Génétique générale appliquée au Lapin de race
par Samuel BOUCHER
Qu'est-ce qu'un caractère?
Avant toute chose, il convient de retenir que la génétique n'est pas faite uniquement de raisonnements simplistes mettant en jeu un ou plusieurs gènes majeurs récessifs ou dominants ayant des actions tranchées et répondant aux sacro-saintes lois dites de Mendel. En génétique, tout n'est pas noir ou blanc.
Cela étant, la connaissance des lois de Mendel et de ses applications doit être connue car elles sont à la base de tout raisonnement en génétique.
Pour bien comprendre les phénomènes héréditaires, l'esprit demande une classification des choses. C'est pourquoi nous traiterons avant tout de la différence de classification des caractères.
Le phénotype et la variation des caractères
Le phénotype (l'aspect extérieur d'un lapin) peut se décomposer en trois catégories : les caractères qualitatifs, quantitatifs et méristiques.
Les caractères qualitatifs :
Ils se définissent par une qualité facilement définissable. C'est le cas des couleurs, du port des oreilles, de la texture des poils par exemple.
Avec un caractère qualitatif, il est difficile de se tromper quand on veut classer les animaux. En général, soit ils présentent ce caractère, soit ils ne le présentent pas. Ainsi, un lapin est noir ou ne l'est pas. Il est bélier ou ne l'est pas.
De ce fait, la variation au cours des croisements est dite discontinue. Dans les portées, il naît des lapereaux qui présentent ou ne présentent pas le caractère envisagé. Il n'y a pas de continuité due aux gènes en cause dans la variation du phénotype. C'est avec ces caractères qualitatifs qu'il est le plus facile de raisonner et d'appliquer les règles simples des lois de Mendel.
Les caractères qualitatifs sont donc régis avant tout par des gènes en faible nombre (un seul souvent). Ainsi, un lapin sera agouti s'il possède le seul allèle A+.
Comme le gène est capable de produire un caractère seul (parfois en interaction avec d'autres gènes), on parle de gène majeur. La transmission des caractères est alors remarquable. L'environnement influe peu sur la modification du phénotype.
Bien entendu, il y a quelques exceptions dont la plus connue chez le lapin est la production de pigments noirs sur les lapins himalayens. On considère généralement que les himalayens - de façon simplificatrice - ont pour génotype ch/ch. Ce génotype autorise alors la production de robes blanches avec des extrémités colorées.
C'est le cas du Russe. Or, le phénotype d'un Russe variera en fonction de la température. Plus il fera froid, et plus l'animal qui possède les deux allèles ch/ch dans son génotype sera intensément coloré. On dit qu'il y a eu une interaction entre l'environnement du lapin et son génotype. De ce fait, des lapins qui possèdent le même génotype (Russe ch/ch) peuvent avoir des phénotypes (apparences) variables (ils sont plus ou moins foncés).
Avec tous ces caractères qualitatifs, on raisonne de façon simpliste et il ne faudrait pas vouloir expliquer les détails de ce que vous observez sur un lapin simplement avec de tels raisonnements. Ils ne sont là que pour nous aider à comprendre les choses. Ainsi, un des caractères qualitatifs est la production d'une robe chinchilla. Pour qu'un lapin ait une robe chinchilla, il faut qu'il possède les deux allèles du gène chinchilla à savoir cch/cch. Il s'agit d'un gène majeur récessif par rapport au gène d'entière coloration noté C+. Or, vous savez qu'un chinchilla peut avoir une rosette plus ou moins bien définie avec une extension de l'entre-couleur plus ou moins étendue. Il peut par ailleurs posséder des zones légèrement orangées. En fait, tout cela est dû à des polygènes dits modificateurs qui « modifient » l'expression du caractère majeur « chinchilla ».
En résumé, un lapin qui possède le ou les gènes codant pour un caractère apparaît globalement comme on pourrait l'attendre (exemple chinchilla) mais dans le détail de nombreux autres gènes permettent à sa robe d'apparaître légèrement modifiée (entre-couleur plus ou moins étendue, présence de quelques pigments phaéomélaniques). Nous verrons ces phénomènes dans un autre chapitre mais il est bon de les avoir sans cesse à l'esprit lorsqu'on travaille en génétique du lapin.
Les caractères quantitatifs
Les caractères quantitatifs sont parfois aussi appelés métriques. Ils peuvent en effet être mesurés d'une façon où d'une autre. Par exemple, la longueur des poils est un caractère quantitatif. On peut en effet mesurer sa valeur. Il n'y a pas de variation discontinue avec ces caractères mais une variation continue. En effet, toutes les valeurs sont observables sur une population de lapins donnée. Il existe tous les intermédiaires entre des valeurs extrêmes. Ainsi, chez le lapin, en ce qui concerne la longueur des poils, il est possible de trouver la valeur 0 sur les lapins nus (ne serait-ce que les petits à la naissance) et plusieurs centimètres sur des angoras. En cherchant bien, il est également possible de trouver des lapins qui auront des tailles de poils représentant tous les intermédiaires. En général, on peut représenter ces variations sur une courbe dite de Gauss. On observe alors que pour un même caractère, on a beaucoup d'animaux situés dans la moyenne et peu qui se situent dans les valeurs extrêmes. Ainsi, on trouvera sur l'ensemble des lapins français beaucoup de lapins présentant des poils d'environ 3 cm mais beaucoup moins avec des poils de 15 cm.
L'expression des caractères quantitatifs est en général beaucoup plus soumise à l'action de l'environnement que les caractères qualitatifs. L'environnement est à considérer au sens large. On inclut dans ce terme en génétique tout ce qui est dû à l'alimentation, l'ambiance (humidité, température...), l'élevage...
Ainsi, en ce qui concerne les gènes d'adiposité, il se peut qu'un lapin possède des gènes d'obésité (fréquents sur les petites races comme le Perl feh) mais qu'il reste maigre. Pour cela il suffira de ne pas le nourrir suffisamment.
Par ailleurs, on admet sans pouvoir toujours le démontrer que les caractères quantitatifs sont régis par un grand nombre de gènes. Chacun des gènes a un effet peu marqué sur le caractère et c'est la somme de leurs effets qui est visible par l'observateur. On parle en général de polygènes. Il en va ainsi de la panachure de type plaquée (Hollandais). Le tout début de son expression est la présence de quelques poils blancs dans la fourrure. Ces quelques poils blancs sont présents parce que le lapin a quelques polygènes de panachure. Le stade suivant est la formation de quelques touffes (ou mouchets) blanches, voire d'un ongle dépigmenté. Ensuite, on observe tous les intermédiaires jusqu'à l'obtention d'un animal blanc aux yeux bleus, stade ultime de l'envahissement de la fourrure par la panachure.
Les caractères méristiques
On appelle ainsi des caractères qui varient par seuil. On peut en effet les mesurer comme les caractères quantitatifs mais ils varient de façon discontinue.
Prenons l'exemple de la taille de la portée. On peut bien sûr compter les lapereaux et on ne compte pas par demi lapin né mais bien en nombres entiers. La mesure est discontinue. On ne tient pas compte des chiffres « derrière la virgule ».
Ces caractères sont également régis par des polygènes par définition nombreux. En réalité, il faut attendre que leur accumulation ait atteint un certain seuil pour qu'ils s'expriment. Ainsi, petit à petit, le nombre de polygènes dans une population augmente au cours du temps. Chez un individu, les polygènes seront un peu plus nombreux d'une génération à l'autre permettant théoriquement l'obtention de 0,1 puis 0,2, puis 0,3 petits supplémentaires sans bien sûr qu'ils ne soient produits dans un nid. A partir d'un certain seuil, on passera de 0,9 à 1 petit supplémentaire. Le seuil étant franchi, on obtiendra réellement le petit dans la portée. La sélection doit alors se faire sur un ensemble d'animaux avec des méthodes statistiques adaptées. Ces caractères sont difficiles à sélectionner et les méthodes appliquées ne sont pas les mêmes que celles que l'on emploie avec les caractères qualitatifs.
Hérédité des caractères qualitatifs ou génétique factorielle
Ce type de gymnastique spirituelle est encore appelée génétique mendélienne. Elle ne s'intéresse qu'aux gènes majeurs qualitatifs. Dans l'exposé, pour des raisons de clarté de calligraphie, nous noterons un gène par ses deux allèles. Ainsi, le gène d'albinisme sera noté c/c par exemple. En toute rigueur, on devrait noter le génotype entre parenthèses et le phénotype entre crochets.
Les grandes lois de l'hérédité : cas d'un seul gène en cause
Ce sont les lois dites de Mendel du nom du moine autrichien qui les a mises en évidence en travaillant sur les petits pois. Elles s'appliquent bien entendu aux animaux mais il a fallu attendre Cuénot pour être persuadé de cette évidence. Elles ont cependant leur limite dans l'explication des phénomènes héréditaires.
Nous n'évoquerons pas les cas où les gènes sont portés par des chromosomes sexuels car les exemples sont peu nombreux en cuniculture et toujours absents de la génétique de coloration des robes.
Prenons le cas d'un couple de gènes en cause. Nous choisirons pour la démonstration le gène agouti A+ et le gène noir a.
Nous supposerons que les lapins sont homozygotes (encore appelés purs) pour les allèles considères. Un gène est alors formé de deux allèles semblables. Le lapin agouti aura pour génotype (ensemble des gènes) A+/A+ et le lapin noir aura pour génotype a/a.
Le lapin ou la lapine produisent des gamètes (spermatozoïdes et ovules) ou cellules sexuelles. Ces cellules ont un nombre de chromosomes diminué de moitié par rapport à toutes les autres cellules de l'organisme. En effet, pour respecter le nombre de chromosomes des cellules d'un individu, il faut que chaque gamète contienne la moitié de l'ensemble du matériel génétique qui sera rassemblé lors de la fécondation (assemblage des gamètes mâle et femelle) au sein d'une cellule œuf (ou zygote). C'est en effet à partir de cette cellule qui va se diviser que naîtront toutes les cellules de l'embryon et donc du futur individu. Elles auront toutes le même matériel génétique.
Dans le cas des lapins cités, les cellules de l'agouti auront toutes deux allèles A+/A+. En revanche, les gamètes auront seulement la moitié de ces allèles soit A+. En associant un ovule A+ d'une lapine agouti avec un spermatozoïde de lapin agouti A+, on obtiendra une première cellule A+/A+ qui se divisera autant de fois qu'il le faudra en reproduisant fidèlement son génotype A+/A+. Le lapereau issu de deux parents homozygotes (purs) sera donc lui aussi agouti.
Il en va de même du lapin noir. Le croisement de deux lapins noirs donnera des lapins noirs uniquement.
Maintenant, envisageons le croisement du lapin agouti avec un lapin noir. L'agouti proposera lors de l'assemblage des gamètes (fécondation) des allèles A+. Le noir aura des allèles a. L'œuf résultant de cet accouplement aura les deux allèles. Il aura pour génotype A+/a. On dit que le lapin issu du croisement de deux races génétiquement pures (voir glossaire) est issu de la F1. S'il était issu du croisement d'animaux de la F1, on le dirait issu de la F2 etc. On parle aussi de première génération pour la F1, de deuxième pour la F2...
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Or, lorsqu'on observe les lapereaux issus de ce croisement, ils ont tous le ventre rosé à la naissance et le dos sombre. En grandissant, ils sont tous agouti. On dit alors que dans le génotype A+/a, A+ est dominant par rapport à a. Parallèlement, on dira que a est récessif par rapport à A+. On parle toujours de dominance ou de récessivité «par rapport à».
Un allèle est donc dit dominant par rapport à un autre s'il masque le phénotype qui aurait été exprimé grâce à l'autre allèle. On peut par simplification noter «A+>a». On peut reprendre notre tableau des génotypes et lui adjoindre le tableau des phénotypes
F1 |
lapine agouti |
mâle noir |
lapereaux agouti |
Ce phénomène constitue la première loi de Mendel qui s'énonce ainsi : « lors du croisement de deux animaux homozygotes (purs) pour les allèles d'un caractère donné, la descendance (dite F1) a un phénotype homogène ».
Mais en réalité, le croisement d'un animal agouti avec un animal noir peut donner des descendants noirs également. Il suffit alors qu'il ne soit pas homozygote mais hétérozygote.
Ainsi, supposons qu'on croise un lapin noir (a/a) qui ne donnera que des allèles noirs « a » avec un lapin agouti hétérozygote A+/a tel que nous l'avons obtenu précédemment. L'agouti pourra fournir des allèles A+ ou des allèles a. On aura donc un tableau plus complexe.
F1 |
la lapine agouti fournit A+ |
la lapine agouti fournit a |
le mâle noir fournit a seulement |
le lapereau a pour génotype A+/a et est donc agouti |
le lapereau a pour génotype a/a et donc il est noir |
On obtiendra donc sur un grand nombre d'animaux (statistiquement) à la fois des agouti (50%) et des noirs (50%).
Et ce « jeu » peut être reproduit encore un peu plus. Supposons maintenant qu'on croise des animaux agouti hétérozygotes (obtenus en F1) entre eux. On obtient la F2. Le génotype A+/a fournit des allèles a ou A+.
F2 |
la lapine agouti fournit A+ |
la lapine agouti fournit a |
le mâle agouti fournit A+ |
le lapereau a pour génotype A+/A+ il est agouti |
le lapereau a pour génotype A+/a il est agouti |
le mâle agouti fournit a |
le lapereau a pour génotype A+/a il est agouti |
le lapereau a pour génotype a/a il est noir |
On obtient alors 3/4 d'animaux agouti (dont 1/4 est homozygote et 1/2 est hétérozygote) et 1/4 d'animaux noirs homozygotes. Cette disjonction des caractères hybrides lors de la méiose constitue la loi de pureté des gamètes ou deuxième loi de Mendel. Elle signifie qu'un gamète ne transmet au hasard qu'un des deux allèles donnés par les parents et ce quoi qu'il arrive. Une cellule sexuelle ne transmet jamais les deux allèles du locus (endroit du chromosome où sont situés les deux allèles d'un gène).
Les grandes lois de l'hérédité : cas de plusieurs gènes en cause
Nous avons vu ce qui se passait lorsqu'on envisageait la présence d'un seul gène. Bien entendu, dans la nature, nous avons à prendre en considération un grand nombre de gènes.
Prenons le cas le plus simple qui consiste à observer le croisement de deux lapins portant chacun des gènes différents sur seulement deux locus.
Nous allons croiser un lapin angora blanc (c/c, l/l) qui possède à la fois des allèles c codant pour l'albinisme et des allèles l codant pour les poils longs et un lapin normand considéré comme pur pour ses allèles de coloration. Il possède donc des allèles C+/C+ de coloration et des allèles L+/L+ de poil de taille normale. La loi de pureté des gamètes nous indique que l'angora donnera des allèles c et l et le normand des allèles C+ et L+ .
Dressons alors notre tableau de ce qui est obtenu en F1:
F1 |
l'angora fournit c et l |
le normand fournit C+ et L+ |
le lapereau de la F1 a pour génotype (C+/c,L/l), il est coloré à poils normaux |
Jusque là, comme nous l'indiquaient les premières lois de Mendel, nous n'avons obtenu que des animaux semblables à leurs parents. Ici, nous avons un lapin qui ressemble à un normand pour les deux caractères envisagés. C+ et L+ sont en effet dominants.
Supposons qu'on veuille croiser entre eux deux sujets de la F1 pour obtenir la F2. Les lapins de la F1donneront donc des gamètes qui pourront avoir les combinaisons suivantes : C+L+ ou C+l ou cL+ ou cl pour conserver la loi de pureté des gamètes.
Dressons donc notre tableau :
F2 |
C+L+ |
C+l |
cL+ |
cl |
C+L+ |
C+/C+,L+/L+ |
C+/C+,L+/l |
C+/c,L+/L+ |
C+/c,L+/l |
C+l |
C+/C+,l/L+ |
C+/C+,l/l |
C+/c,l/L+ |
C+/c,l/l |
cL+ |
c/C+,L+/L+ |
c/C+,L+/l |
c/c,L+/L+ |
c/c,L+/l |
cl |
c/C+,l/L+ |
c/C+,l/l |
c/c,l/L+ |
c/c,l/l |
On observe donc 16 possibilités de génotypes. Gardons seulement les allèles qui s'exprimeront (dominants lorsqu'ils existent sinon récessif s'ils sont à l'état homozygote). On obtient un tableau des phénotypes (apparences) suivant :
F2 |
C+L+ |
C+l |
cL+ |
cl |
C+L+ |
C+,L+ |
C+,L+ |
C+,L+ |
C+,L+ |
C+l |
C+,L+ |
C+,l |
C+,L+ |
C+,l |
cL+ |
C+,L+ |
C+,L+ |
c,L+ |
c,L+ |
cl |
C+,L+ |
C+,l |
c,L+ |
c,l |
On peut le simplifier encore en notant ce que cela veut dire :
F2 |
C+L+ |
C+l |
cL+ |
cl |
C+L+ |
coloré poils normaux |
coloré poils normaux |
coloré poils normaux |
coloré poils normaux |
C+l |
coloré poils normaux |
coloré poils longs |
coloré poils normaux |
coloré poils longs |
cL+ |
coloré poils normaux |
coloré poils normaux |
coloré poils normaux |
coloré poils normaux |
cl |
coloré poils normaux |
coloré poils longs |
coloré poils normaux |
coloré poils longs |
On observe donc lorsqu'on croise des lapins de la F1 qu'il apparaît en F2 des modèles de coloration qu'on n'avait pas au début de notre étude. Ainsi, des colorés aux poils longs ou des blancs à poils normaux sont venus compléter notre collection d'angora et de normand.
Cela a été possible car on a eu disjonction des caractères parentaux ce qui constitue la troisième loi de Mendel.
Statistiquement, on obtient :
9/16 = 56,25% de lapins colorés à poils normaux (normands) comme un des grands parents
3/16 = 18,75% de lapins colorés à poils longs
3/16 = 18,25% de lapins blancs à poils normaux
1/16 = 6,25% de lapins blancs à poils longs (angora) comme l'autre grand parent
Là encore, nous avons simplifié les choses. Il arrive parfois que les gènes soient dits liés. Dans ce cas, la formation des gamètes ne se fait pas de manière identique pour toutes les combinaisons. Ce que l'on observe alors c'est qu'en F2 les proportions attendues de 9/16, 3/16 et 1/16 sont modifiées. Nous n'étudierons pas ces cas particuliers car ils concernent peu de caractères dont vous aurez à vous occuper. Il convient toutefois de connaître cette possibilité d'obtention de proportions modifiées et de savoir dire pourquoi elle apparaît.
Les interactions entre gènes
Ce chapitre est à lire avec application pour pouvoir comprendre les quelques subtilités de la génétique factorielle.
La pléiotropie :
On dit qu'un gène est pléiotrope s'il régit deux ou plusieurs caractères qui n'ont pas - apparemment - de rapports entre eux. Chez le lapin, l'exemple le plus connu est celui du lapin sauteur qui possède le gène sam. Ce gène récessif code pour deux caractères apparemment non liés : la locomotion perturbée et la cataracte.
Les variations de la dominance :
La dominance est dite complète lorsque le phénotype de l'hétérozygote est rigoureusement le même que celui de l'homozygote. Ces cas sont rares. En général, le lapin hétérozygote sera très légèrement différent de l'homozygote. On parlera alors de dominance incomplète ou partielle. Lorsque les deux allèles (dominant et récessif) s'expriment en même temps et au même degré, on parle de codominance. Chez le lapin, on ne connaît pas de gène majeur répondant à ce phénomène. D'autres interactions peuvent aussi exister. Nous n'en parlerons pas ici.
La léthalité (ou létalité) :
C'est le cas où les animaux homozygotes ne survivent pas. Le cas existe chez le chien où les chiens nus homozygotes meurent avant la naissance. La proportion d'animaux obtenus est alors en F2 modifiée et les valeurs d'obtention des différents phénotypes sont modifiées. Ainsi, une classe n'est plus présente. Par exemple, en lapins, les papillons dits « chaplins », presque blancs meurent avant d'avoir atteint leur plein développement. On peut considérer le gène en comme un gène léthal. Seuls les hétérozygotes En/en (tachetés) et les colorés (En/En) vivront. On obtiendra au final sur la population non plus 1/4 de colorés, 1/2 de tachetés, 1/4 de blancs mais 2/3 de tachetés, 1/3 de colorés.
Epistasie :
Dans ce cas, un gène dit épistatique masque l'action d'un autre gène. Chez le lapin, c'est le cas fréquent de l'albinos. Un lapin c/c n'aura plus la possibilité de produire des pigments. De ce fait, il apparaît blanc, même s'il a à un autre locus des gènes de coloration. Par exemple, un lapin qui est albinos peut avoir des gènes de noir (a/a) ou d'agouti (A+/A+ ou A+/a) mais ils ne s'exprimeront pas. On dit que c’est épistatique récessif sur A+ ou a. Tous les animaux sont albinos.
D'autres phénomènes d'interaction génique existent, nous ne les citerons pas car il sont peu ou pas présents chez le lapin.
Notion de pénétrance
Les interactions entre gènes, qu'ils soient allèles ou non sont donc très fréquentes. Il est très rare en fait d'avoir à faire à des cas de dominance ou de récessivité complètes. Dans la majorité des cas, les hétérozygotes sont légèrement différents des homozygotes. C'est pourquoi le généticien a dû modéliser ces faits en parlant des interactions entre gènes. Plusieurs modèles d'explications sont possibles et je vous en ai proposé quelques uns (polygénies modificatrices, pléiotropie, codominance, épistasie, létalité...). Il en existe encore beaucoup d'autres.
Par ailleurs, il faut savoir que, si nous connaissons beaucoup de gènes (c'est encore plus vrai chez l'Homme aujourd'hui), il y a plusieurs millions de gènes qui sont encore inconnus pour le lapin. Or, ces gènes existent cependant. Il y a alors des possibilités d'interactions non découvertes qui expliquent qu'un gène que nous connaissons ne s'exprime pas pleinement. Son action est masquée par l'action d'autres gènes non encore mis en évidence mais réellement présents dans le génome du lapin.
En génétique mendélienne, c'est ce que nous nommons une pénétrance incomplète. La notion de pénétrance s'exprime en pourcentages. Ainsi, cette notion est très employée dans le cas des affections d'origine génétique (dites tares héréditaires). On peut considérer, chez le lapin, que c'est le cas du gène codant pour les « dents d'éléphant » ou prognathisme. Les dents longues apparaissent sur des lapins dont la mâchoire inférieure est trop longue. De ce fait, les dents des lagomorphes à croissance continue ne s'usent plus l'une contre l'autre. Elles poussent et finissent par sortir de la bouche, voire même à percer le palais supérieur.
Dans ce cas, on sait que l'anomalie est régie par un gène (mais là encore on n'est pas sûr qu'il y en ait un seul) récessif par rapport au gène de position normale des mâchoires. Donc, si l'on raisonne strictement avec la génétique factorielle en appliquant les lois de Mendel, on devrait obtenir en croisant un lapin à dents longues et un lapin sans dents longues supposé homozygote des lapereaux normaux. Ces mêmes lapereaux, lorsqu'on les croise entre eux devraient donner 1/4 de lapereaux aux dents longues. Or, sur un très grand nombre de cas étudiés (la dernière étude a considéré 37000 lapins), on observe que seulement 16% des homozygotes supposés pour le caractère dents longues les auront vraiment. On dit alors que la pénétrance du gène dents longues est de 16%. On comprend dès lors qu'il y a une grande difficulté à éradiquer ce gène d'une population car de nombreux sujets le possèdent, parfois même à l'état homozygote, sans l'exprimer et les techniques d'étude de la génétique mendélienne sont insuffisantes à expliquer les phénomènes. On pense qu'un ou plusieurs gènes empêchent l'action du gène défavorable sans vraiment savoir l'expliquer. On a démontré chez la souris que la pénétrance d'un gène varie selon la race ou la souche où il est présent (c'est également le cas chez le lapin avec les nains pour l'anomalie des dents longues) et qu'il est possible par sélection de faire diminuer ou augmenter la pénétrance. On parle alors de l'influence du « milieu génétique » sur un gène à pénétrance incomplète.
Glossaire de génétique factorielle
Caractère : c'est l'aspect visible ou mesurable d'un paramètre morphologique ou sa traduction physiologique
Gène : Facteur responsable de l'expression du caractère. Il se transmet héréditairement en conservant son intégrité.
Allèles : différentes possibilités d'expression d'un gène. Il faut à un même locus seulement et au moins deux allèles pour former le gène
Chromosome : c'est un morceau d'ADN (molécule support de l'hérédité) et de protéines ayant une structure particulière et qui est visible lors de certaines phases de la division cellulaire. Le lapin en a 44. Ce chiffre ne varie pas d'un animal à l'autre. Le chromosome est donc un ensemble de molécules qui portent les gènes.
Locus (des loci) : endroit où se trouve le gène (ou les allèles) sur le chromosome. Par exemple, au locus A, on a l'allèle A+ (agouti), at (feu), a (noir) et act (chamois).
Génotype : ensemble des gènes ( comprenant donc deux allèles ) d'un individu
Phénotype : aspect extérieur d'un individu. C'est la traduction de l'expression d'un génotype
Zygote : c'est l'œuf qui résulte de la fécondation. On parle aussi d'ovocyte
Fécondation : assemblage des deux gamètes mâle et femelle (spermatozoïde et ovule).
Homozygote : l'individu homozygote possède pour un même gène les deux mêmes allèles, qu'ils soient récessifs ou dominants
Hétérozygote : l'individu possède pour un même gène des allèles différents
Race pure : en génétique, on désigne par animal de race pure pour un caractère donné, l'animal qui est homozygote pour les gènes qui codent pour ce caractère. Un animal qui n'appartient à aucune race peut donc être de race pure en génétique.
Hybride : individu qui est hétérozygote pour un ou plusieurs caractères donnés
Mutation : modification brutale du message héréditaire contenu dans les chromosomes d'un individu. La mutation atteint le matériel génétique support de l'information et se transmet d'un individu à l'autre. On la distingue de la somation qui est une modification de l'individu en fonction de conditions environnementales (arrachage de touffe blanche par exemple qui ne se transmettra pas à la descendance).
Dominance : on dit qu'un allèle est dominant par rapport à un autre lorsqu'il s'exprime
Récessivité : on dit qu'un allèle est récessif s'il s'exprime seulement à l'état homozygote. La présence d'un allèle dominant empêche son expression
Relation dominance/ récessivité : un allèle est toujours récessif ou dominant par rapport à un autre. Ainsi, un même allèle peut être dominant pour un allèle et récessif pour un autre. Prenons l'exemple de l'allèle a (noir) : il est récessif par rapport à A+ (agouti) ou at (feu) mais dominant par rapport à act(chamois).
Gamète : on appelle ainsi les cellules sexuelles : spermatozoïde ou ovule.
Rappel des allèles liés aux caractéristiques de pelage situés à différents loci et de leur dominances respectives (couleur, texture...)
On note toujours les allèles avec la dénomination officielle. La majuscule signifie que l'allèle est dominant dans la série allélique (il domine tous les autres), le signe « + » que l'allèle est majoritairement présent dans les populations sauvages (pour nous le Garenne) et la minuscule indique que l'allèle est récessif au moins par rapport à un autre allèle de la série. Souvent, la première lettre de l'abréviation d'un gène le situe à un locus donné (a sera pour le locus A) et les autres lettres sont mises en exposant pour pouvoir le différencier d'autres gènes semblables. Par exemple, l'allèle du chamois : act est désigné par une première minuscule a (il est au locus a et récessif) et par deux autres lettres et en exposant (qui veulent dire chamois de Thuringe). C'est le découvreur du gène (ici S. Boucher) qui nomme le gène comme il l'entend en fonction des autres gènes déjà nommés.
Les allèles sont indiqués dans leur ordre de dominance (le premier est dominant sur les autres)
Production de pigments:
locus A: A+ : agouti > at (feu) > a (noir) > act (chamois)
locus B: B+ : (production de pigments noirs) > b (production de pigments bruns dits havane)
locus C: C+ (animal coloré entièrement) > cch (chinchilla) > ch (himalayen) > cm (martre/ Zibeline) > c (albinos)
locus D: D+ (pigments produits normalement) > d (dilution des pigments eumélaniques notamment)
locus E: E+ (production d'agoutis non modifiés) > Ed (agoutis gris fer) > ej (japonais) > e (entièrement fauve)
Panachure:
panachure de type papillon : En/en (toujours hétérozygote)
panachure de type hollandais : gène Dutch (noté Du) dominant ou récessif selon les auteurs et les populations (en fait, dominance à pénétrance incomplète, polygénie modificatrice présente)
Texture des poils :
locus L: L+ (poils normaux non allongés) > 1 (poils longs)
locus Re: Re+ (poils normaux non nanifiés) > re (rex)
locus Sa: Sa+ (poils normaux non satinés) > sa (poils satins)
Autres caractères :
gène sam ( lapin sauteur) récessif par rapport au gène Sam+ (lapin à locomotion normale)
ep gène récessif sur le caractère non épiléptique de l'épilepsie du Blanc de Vienne
Date de dernière mise à jour : 25/11/2023